Des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre ont éclaté en marge de l’hommage aux victimes kurdes, place de la République, à Paris, au lendemain de la fusillade qui a fait trois morts dans le Xe arrondissement. D’importants dégâts sont également à déplorer.
Au lendemain de l’attaque dans laquelle trois membres de la communauté kurde ont perdu la vie, plusieurs centaines de personnes se sont réunies samedi à la mi-journée place de la République à Paris pour leur rendre hommage, ainsi qu’aux trois blessés par les tirs d’un homme de 69 ans, William M., dont la garde à vue a été prolongée dans la matinée. Mais après un début dans le calme, la manifestation a dégénéré.
Des heurts ont rapidement éclaté entre participants et forces de l’ordre. Vers 13 heures, des fumigènes, des feux d’artifice et un mouvement de foule ont été observés sur le boulevard du Temple, proche de la place de la République. « Il y a eu des provocateurs qui sont passés à bord d’un véhicule avec le drapeau turc en faisant le signe des Loups gris donc automatiquement, ça a provoqué les jeunes », a expliqué auprès de BFM TV Berivan Firat, porte-parole de l’association Conseil démocratique kurde en France.
Bien que les organisateurs ont appelé au calme, la situation est restée tendue. Alors que les discours continuaient, des manifestants commençaient à partir en raison de la pluie. Dans les rues adjacentes, des incidents éclataient, quand du mobilier urbain était pris pour cible. Au moins quatre voitures ont été renversées, dont au moins une incendiée, et des poubelles brûlées. Un journaliste de Brut a également filmé un véhicule de police contraint de reculer face à des jets de projectiles.
Quelques dizaines de manifestants ont jeté des projectiles sur les forces de l’ordre qui ont répliqué par des tirs de gaz lacrymogènes. « Vive la résistance du peuple kurde », ont crié plusieurs d’entre eux. « Des groupes d’individus ont lancé des projectiles. Nous avons dans un premier temps laissé le service d’ordre gérer la situation », indique une source policière, précisant que des membres des forces de l’ordre étaient en train d’intervenir sur place.
Le cortège, fort de plusieurs milliers de personnes à l’origine, s’est scindé en deux en raison de ces tensions et seules quelques centaines de manifestants sont parvenues à rejoindre peu après 14 heures la place de la Bastille, point d’arrivée du cortège.
Les visages fermés ou éplorés, photos des victimes sur le cœur, des manifestants étaient venus de toute l’Île-de-France et même d’Allemagne, de Tunisie et d’Angleterre pour rendre hommage aux trois victimes de la tuerie de vendredi. La place ceinturée par les forces de l’ordre et les pompiers est noire de monde et coiffée d’une forêt de drapeaux.De nombreux élus de gauche, ainsi que le député Renaissance Sylvain Maillard, sans oublier les porte-parole d’associations contre le racisme avaient défilé sur l’estrade. Dans la foule, de nombreux manifestants ont agité des drapeaux du PKK (le parti des travailleurs du Kurdistan) ou à l’effigie de trois militantes kurdes assassinées en janvier 2013 à Paris. Une minute de silence a été observée, en musique, à la mémoire des victimes et de « tous les Kurdes morts pour la liberté ».
Pour beaucoup, il s’agit d’un acte politique et non du geste d’un déséquilibré. Plusieurs manifestants présents ont dénoncé une « injustice » et un acte « terroriste ». « Ce qu’on ressent, c’est de la peine et de l’incompréhension parce que ce n’est pas la première fois que ça arrive », a déclaré Esra, une étudiante de 23 ans, les yeux rougis par les larmes.
Le suspect, de nationalité française et âgé de 69 ans, qui avait déjà commis des violences avec arme par le passé, a indiqué lors de son interpellation avoir agi parce qu’il était « raciste ». Ce motif a d’ailleurs été retenu par l’enquête.
Un peu plus tôt dans la matinée, des représentants de la communauté kurde avaient été reçus par le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez. « Nul doute pour nous que ce sont des assassinats politiques. Le fait que nos associations soient prises pour cible relève d’un caractère terroriste et politique », a affirmé à l’issue de la rencontre Agit Polat, le porte-parole du Conseil démocratique kurde en France (CDKF).
Agit Polat a par ailleurs regretté un « manque sur le plan sécuritaire » sur les lieux des tirs, dont la sécurité est « sous la responsabilité des autorités françaises ». Des représentants de la communauté kurde doivent être reçus ce samedi par le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, confirme son entourage au Parisien.
Le suspect, William M., est soupçonné d’avoir ouvert le feu vendredi rue d’Enghien, dans le Xe arrondissement, tuant trois personnes et en blessant trois autres au niveau d’un centre culturel kurde, dans un quartier commerçant animé et prisé de cette communauté. Dans les minutes qui ont suivi l’attaque, les Kurdes de France ont évoqué un acte « terroriste » et mis en cause la Turquie.